Je vois devant moi s’achever mes jours burkinabés, jours que je vais passer dans ma famille ouagalaise où je vais rédiger mon rapport final pour ISF et profiter de mes derniers instants avec ceux que j’ai appelé pendant tout l’été mes frères, mes sœurs, mes cousins et mes parents. Autant j’ai hâte au jour où je vais pouvoir vous serrez dans mes bras, autant je redoute le jour ou je vais leur dire au revoir. C’est la première fois, hormis les rares deuils que j’ai eu dans ma vie, où je dois dire au revoir à quelqu’un en sachant que les chances sont bonnes que je ne les revoie plus jamais. C’est franchement assez difficile à concevoir et j’essaie le plus possible de reculer le moment ou je vais dire : « Adieu, bonne chance… »
Comme toute bonne chose à une fin, je vous annonce que tout comme mon séjour au pays des hommes intègres, ce blogue tire à sa fin. J’ai décidé de publier aujourd’hui, mon dernier billet de ce qui aura été un périple pas toujours facile, mais toujours enrichissant que j’aurai vécu avec vous en pensée du début à la fin. Je vous invite donc TOUS, des plus réguliers et volubiles commentateurs aux plus muets lecteurs (vous vous reconnaissez) à écrire un dernier (ou premier) commentaire. J’ai l’intention de faire imprimer ce blogue et d’en faire un livre relié avec photos comme souvenir et j’aimerais donc que tous ceux qui me lisent écrivent une mini conclusion à ce récit. Merci d’avance
La dernière fois que je vous parlais je m’apprêtais à commencer un mini placement avec l’association des pêcheurs du lac Bam et je dois avouer que ça a été pas mal platte. Le président, M. René Sawadogo, est venu me chercher au cyber café d’où je vous écrivais et m’a amené au bureau de son association. Je dis bureau mais c’était plutôt un local avec une table et une chaise et à peu près 2 feuilles sur cette table. Comme pour faire sérieux, il avait invité 3 membres de l’association au « bureau » pour m’accueillir comme pour montrer que leur association c’est pas du niaisage. Ils ont plus de membres que de feuilles.
Donc une fois les membres « faire-valoir » partis, je demande au président qu’est-ce qu’il a de planifié pour mon séjour et devant son regard vide de pensée, j’ai vite compris qu’il n’y avait rien de spécial de prévu pour moi. Il m’a avoué que son association ne faisait aucune activité à ce temps de l’année et qu’il croyait que je voulais seulement venir passer 3 jours en vacances chez lui….3 jours de plaisir en vue….Donc devant mon insistance à faire autre chose que ce reposer sur des chaises longues dans sa cours, il a décidé de m’amener voir certaines réalisations de son associations. Il m’a alors amené voir des diguettes qu’ils avaient crées sur les berges du lac pour empêcher le lac de submerger les champs et que, lors des pluies, que l’eau s’imbibe avec ses nutriments pour fertiliser les terres. La première était très intéressante, la deuxième un peu moins, la douzième, franchement emmerdante. Nous sommes donc rentrés à la maison.
Le lendemain, mercredi, on fait encore des visites de diguettes. Vraiment le principe est super intéressant et leur utilité sans contredit mais elles ont comme défaut d’être tous semblables les unes aux autres et d’attirer très peu d’intérêt lorsque visitées une à la suite de l’autre pendant 4 heures. Après avoir pris le dîner chez M. Sawadogo (malheureusement pas une salade) nous sommes allés pêcher sur le lac. C’était pas mal cool de se gosser nous-mêmes des cannes à pêche dans des branches et de tenter d’attraper des poissons à l’aide de petites boules de tau. Ironique que ce plat serve de repas un soir sur deux mais aussi d’appât idéal pour les poissons… Après m’être un peu moqué du fait que le boss des pêcheurs du Bam était incapable d’attraper des poissons, nous sommes rentrés bredouilles à la maison pour manger le reste de nos appâts. Heureusement pour moi, je devais rentrer à Ouagadougou le lendemain pour venir accueillir Simon Michaud, un nouveau long terme ISF au Burkina et ancien président de la section de Polytechnique. Je ne crois pas que j’aurais survécu à une autre journée de diguettes.
Pendant la nuit, je me réveille avec un mal de ventre assez solide et me rends de peine et de misère à la latrine ou j’ai une crise de fouloutoutou (la première en 2 mois) qui menace dangeureusement de faire casser la latrine en deux. Après avoir fini mes affaires, je m’assois sur une chaise non loin de là pour reprendre mes esprits et laisser le temps à mon corps de s’ajuster à son nouveau poids et horreur, c’est l’autre orifice qui fait des siennes. Après m’être assuré que l’entièreté de mon système digestif était vide, je suis retourné me coucher sans toutefois être en mesure de me rendormir.
Avant de prendre le bus pour Ouagadougou prévu à 6h30, j’ai décidé de prendre ma température puisque je ne me sentais pas trop bien. 97.5 Fahrenheits, température normale. J’embarque donc avec difficulté d’en l’autobus et je m’assoit proche d’une fenêtre en attendant le départ. Au départ de l’autobus, à 7h45, j’ai mal dans absolument toutes les parties de mon corps mais surtout à ma tête qui est prête à exploser. Je suis fatigué comme si je venais de courir le marathon mais je suis incapable de m’endormir parce que j’ai juste trop chaud. Trois heures de transport plus tard, j’arrive chez moi à Ouaga en rampant sous le poids de qu’est-ce qui me semble être 10 sacs à dos et je m’écroule en larmes et en sueurs sur mon lit. Après un effort de volonté incroyable, j’arrive à sortir mon thermomètre de mon sac et je suis rendu à 103.8 de fièvre….petit problème.
C’est à ce moment que je conclu l’hypothèse que j’avais fondé dans l’interminable voyage en autobus : J’ai la malaria… Automatiquement en lisant ceci vous vous mettez peut-être à paniquer pour moi mais sachez que je suis parfaitement correct. La malaria, ou paludisme comme elle est appelée dans les pays de l’Afrique francophone, est une maladie très commune qui frappe, selon l’OMS, plus de 500 millions de personnes par année. Elle ne tue que 0.5 % des personnes affligées mais se sont surtout des enfants en jeune age ou des vieux chez qui la maladie n’est pas rapidement diagnostiquée ou traitée ce qui n’est pas le cas chez moi. Pour ceux qui n’ont pas fait le calcul, il reste que la malaria est un grave fléau qui cause la mort de 2.5 millions de personnes par années, morts qui pourraient facilement être évitées par l’accès à des soins adéquats.
Toujours est-il que, prévoyant comme je suis, j’avais avec moi une trousse de diagnostic et de traitement du palu et 6 heures après la première pilule, j’étais sans symptômes (hormis le fouloutoutou qui sévit encore à ce jour).
Vendredi matin, je suis devenu papa de sextuplés (Et vlan! dans les flancs les jumelles Dionne) En effet après 3 tentatives infructueuses, les moqueries de ma famille burkinabé, les espoirs de ma famille montréalaise et mes multiples crises de larmes d’incompréhension et d’acharnement, j’ai finalement une poule qui a eu des poussins. Je crois que c’est le plus beau jour de ma vie !!!!! Voici deux de mes chéris vec leur mère.
Je crois humblement que ce qui a fait la popularité de mes billets, c’est les petites anecdotes qui n’apportaient rien de plus à mes textes qu’un petit sourire et vu que cette entrée se veut être la dernière, j’ai décidé d’énumérer celles qui me restent et que je n’ai pas su insérer de façon fluide dans mes textes.
· Quand les gens demandent le prix de quelque chose, ils doublent la question et la réponse est aussi doublée mais le prix est multiplié par 5. Suivez-vous ? Exemple… Ce qui au Canada serait : « C’est combien ? » « 5 dollars » devient au Burkina : «C’est combien combien ? » « 1 dollar 1 dollar »
· Le coté droit de la route n’est pas le coté où il FAUT circuler, il est simplement celui utilisé par la majorité. Il en est de même pour les feux de circulations.
· Un taxi n’est pas un véhicule qui amène une personne ou un groupe de personne du point A au point B mais plutôt un véhicule qui va du point A au point B en ramassant et débarquant des personnes sur ce trajet. Ce que l'on appelerait communement un autobus chez nous. De plus, un taxi contenant 5 personnes est un taxi sous-utilisé. Il y clairement de la place pour 2 personnes sur le siège passager et 5 sur la banquette arrière.
· Dans les jeux de cartes burkinabés, la dame vaut plus que le roi, l’as est prononcé « yasha », les cœurs sont des tomates et les trèfles des arachides.
· Il n’y a rien d’efféminé à ce qu’un homme d’age mûr chante à tue-tête Céline Dion, du Jordy ou du Lori. (Tu seras ma meilleure amie…)
· Les compagnies se menant les campagnes de pubs les plus féroces sont les compagnies de téléphones cellulaires et les compagnies de cubes de bouillons de poulet.
· En marchant dans la rue, il faut demander à chaque personne croisée comment va sa santé, son travail, sa femme, sa famille, son sommeil, son urticaire, ses poissons rouges….
· Chariots of Fire est encore l’indétrônable numéro 1 à la radio burkinabé.
· Ce qui ici est appelé « tasse de café » est ce qu’on appellerait au Canada « tasse rempli a ras le bord d’une mélange à partie égale de sucre et de café instantané et ensuite remplie de juste assez d’eau bouillante pour diluer le tout. »
· La journée burkinabé à trois périodes distinctes : le jour, du levé du soleil à midi, le soir, de 12h01 jusqu’au couché du soleil et la nuit. Des phrases comme bon matin et bonne après-midi ne vous seront donc répondues que part un regard d'incompréhension.
· Lorsque qu’à la recherche d’un mot, l’interlocuteur burkinabé ne prendra pas le temps de le trouver mais le remplacera, un peu comme le ferait un schtroumpf, par « chose », « chosé » ou « chosiner » en prenant pour acquis que son vis-à-vis a tout à fait compris le sens de ses propos. De la même façon, on peu couper une phrase en plein milieu et la terminer par « quoi quoi » en sachant très bien que l’interlocuteur finira très bien la phrase pour lui-même dans sa tête.
· Les hommes burkinabés se rasent les aisselles mais pas les femmes.
· En Mooré, le mot pour vrai est le même que le mot pour mari. Il en découle que l’homme dit toujours la vérité.
· Un bon film est un film avec beaucoup de sang et de fusil. Un mauvais film est un film avec un dialogue et une histoire.
· Pourquoi utiliser les mains pour transporter des objets alors qu’ils peuvent être mis en équilibre sur la tête ?
· Une personne qui vient vous visiter n’est pas obligé de vous adressez plus que les salutations de base, elle peut toutefois rentrer, s’asseoir sur une chaise pour une heure ou deux, et repartir par la suite sans que cela entrave de quelque façon que ce soit le cours des activités.
· Il n’y a rien d’anormal à ce qu’une personne qui vend des objets à 50 francs (ou 50 francs 50 francs devrais-je dire) n’ait pas de monnaie pour 100 francs.
· Une surface couverte de roches pointues, de verre cassé et de machettes rouillées ne devient pas nécessairement une surface impropice aux jeux d’enfants
· N’importe qui avec un lien de sang avec toi est un frère. Les autres sont des cousins.
· La chanson thème du feuilleton de nouvelles de la télévision nationale du Faso est la même que celle des films de Superman…et je les soupçonne de ne pas avoir payé les droits d’auteur.
· Dire à une femme qu’elle est plus grosse qu’un éléphant est un compliment
Bon je crois que c’est tout pour l’instant. Il faut quand même que j’en garde pour le retour…
Je vais conclure avec ces quelques pensées…
Quand j’ai appliqué pour venir outre-mer, j’avais une attitude de pitié envers les africains. Un regard paternaliste, un peu hautain, qui me laissait croire qu’en arrivant au Burkina Faso, je pourrais avoir l’effet d’un raz-de-marée et changer de façon drastique la vie de plusieurs. La réalité, je l’ai vite réalisé, est tout autre ? Les africains sont parfaitement capable de prendre eux-mêmes les choses en mains et n’ont besoin que d’un appui honnête des pays développés. La meilleure façon d’aider c’est de ne pas nuire dit-on…
Quant à moi, je pensais naïvement partir et vivre une expérience qui changerait totalement ma vie et qui je suis, qui ferait de moi une personne totalement différente et fondamentalement meilleure. Quoi que le séjour ici n’ait pas toujours été des plus faciles et motivants comme j’aurais pu le croire, je pense que je vais effectivement revenir une personne différente ; pas méconnaissable mais définitivement différente. Je reste fondamentalement heureux et reconnaissant d’avoir eu la chance incroyable de vivre cette expérience on ne peut plus enrichissante. Il est encore trop tôt pour voir de quelle manière j’aurai changé et de quelle façon je vais me réaccoutumer mais je compte sur vous, mes amis, pour me comprendre et m’aider dans ce qui peut être une difficile réadaptation. Je vous remercie vraiment du fond du cœur d’avoir été avec moi jusqu’au bout de ce périple et j’ai bien hâte de vous raconter mes histoires autour d’une bière, d’une shisha, d’une tasse de café (noir), d’une coupe de vin ou d’une salade de fruits.
Merci milles fois,
On se revoit le 31,
Ouedraogo Tenga
P.S. SVP écrivez un commentaire, ça sera votre dernière chance. Je vais vraiment être déçu si mon dernier billet ne dépasse pas en nombre de commentaires celui du concours de noms de poules…